Cent confinements, exactement comme ça
Je lis ce que j’ai écrit depuis le début du confinement. Ce que je me suis imaginé écrire. Ce que je me suis dit. En vrai, je ne me suis pas adressé à moi-même. J’ai plutôt essayé de répondre. Bien, j’ai répondu. Mais à qui ? À quoi ? Qui a posé les questions ? Personne, évidemment. Ou bien tout le monde. Cela revient au même.
C’est moi qui ai posé les questions. Où ? Comment ? Quand ? Qui ? Quoi ? Pourquoi ? Je les ai posées, comme ça. Pas sur une quelconque surface, plutôt envoyées dans l’air. Comme des gestes de l’esprit. Non pas pour répondre. (Encore, ce serait à qui ?) Mais pour en être enveloppé. Pour me donner la possibilité d’être les réponses, une à la fois.
J’ai pris de notes. J’ai perçu et j’ai reçu. J’ai observé et j’ai écrit, imaginé écrire. Il n’y a pas grand chose à dire. Où ? Comment ? Quand ? Qui ? Quoi ? Pourquoi ? Si, quand même. Je pourrais en parler toute la nuit ou toute une journée ; j’ai fait des grandes découvertes. Immenses. Vastes. Immédiates. Surtout immédiates. C’est ça. Il n’y a rien à dire dans l’immédiat, seulement après. Pendant devient juste après dès que je me met à dire. Par contre, sentir et penser, c’est possible. Réfléchir non. Percevoir oui. Être là, concrètement, réellement, et jouir discrètement de ce fait fondamental. Qui est : mon confinement dans la réalité physique.
Si j’ai appris quelque chose ces deux derniers mois, s’il y a quelque chose que je comprends mieux maintenant, c’est que savoir se confiner dans la réalité physique, c’est salutaire. C’était le jour où j’ai cessé de répondre qu’il s’est passé quelque chose : il ne s’est rien passé. Où. Comment. Quand. Qui. Quoi. Pourquoi. J’étais les réponses. L’une après l’autre. En dialogue immédiate avec mon existence, question et réponse ensemble. J’étais : au centre, comme ça, exactement comme ça et pas autrement, séance tenante, souvent en retard, moi, autre, principe rimbaldien incarné, toutes mes sensations, cause, drame humain et divine comédie. J’ai ri.
Le matin où j’ai vu cent confinements courir dans les rues de Montmartre, au lieu de voir cent joggeurs énervants, ça m’a donné envie d’être parmi eux. Être avec moi-même parmi les autres. Le lendemain j’ai mis des chaussures de sport et j’ai commencé à courir, moi aussi. C’est il y a presque un mois aujourd’hui. Hier matin, en faisant mon tour, j’ai enfin compris. Se confiner à la réalité physique, entrer dedans, c’est sortir de tout autre confinement.
Espace. Forme. Temps. Émotion. Mouvement. Histoire. Les six portes d’entrée sont toujours là. Ou les six sorties, si vous voulez. Cela dépend de votre point de vue.
Ce texte est dédié à Mary Overlie.
Écrit pour le podcast [Intimement confinés] de Savoir lui dire.
Merci Caspar ! Cette une text ingénies. Grand traduction avec Google aussi…
Je suis content qu’une connaisseuse du travail de Mary comme toi a lu mon texte !